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Vivre ensemble au sein d’un immeuble ne se décrète pas, mais peut être encouragé. Chaque projet d’habitat participatif est un prototype en ce sens : il n’existe pas un modèle unique mais des modèles, en réalité autant que d’habitats.

Le Groupe du 4 Mars est une coopérative d’habitant·es installée dans l’immeuble du Cairn à Lyon depuis presque 5 ans, après 10 ans de gestation. Nous vous proposons une incursion dans notre fonctionnement et nos réflexions.

Cet article est le cinquième d’une série de six qui apporte un éclairage sur le développement de la coopérative et le vécu du groupe:

 

  1. Un groupe qui évolue · Part. 1 : faire collectif dans la durée
  2. Un groupe qui évolue · Part. 2 : devenir coopérateur·ice
  3. Un lieu qui rassemble · Part. 1 : cohabiter plutôt que coexister
  4. Un lieu qui rassemble · Part. 2 : faire exister le «nous» avant le «je»
  5. Du temps investi au quotidien
  6. Des outils pour échanger, transmettre et archiver

ℹ️ Vous découvrez cet article sans connaître le Groupe du 4 Mars ?
Voici quelques éléments de compréhension : l’immeuble du Cairn se compose de 24 logements sociaux, 11 gérés par le bailleur social Alliade Habitat, 13 par notre coopérative d’habitant·es. Nous sommes donc 13 ménages avec chacun son propre appartement, nous partageons un socle de valeurs et des espaces mutualisés : salle commune pour accueillir les réunions comme les moments festifs, potager, buanderie, bureau et chambre d’ami·es.
Pour plus de détail nous vous invitons à explorer notre site web !

DU TEMPS INVESTI AU QUOTIDIEN

⏱️ Temps de lecture : 7 minutes

En entrant dans les murs en 2019, nous pensions que le plus gros du travail était fait et qu’il serait enfin possible de savourer le résultat de vivre chez soi, dans un immeuble paisible et coopératif. La réalité est qu’il y a toujours un sujet à traiter, avec des pics d’activité suivant le contexte! D’une certaine manière, la coopérative d’habitant·es est une entreprise que nous gérons collectivement, en parallèle de nos vies personnelles et professionnelles.

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💪 COOPÉRER ET GÉRER LE QUOTIDIEN

Nos valeurs se déclinent en 4 grandes thématiques :
🌱 Mutualiser et être éco-responsables
🌟 Vivre ensemble
🔄 Défendre et pérenniser
🔀 Transmettre et essaimer

Ces valeurs sont le socle des actions qui jalonnent le quotidien de la coopérative, avec des échelles de décision très vastes : nous jonglons de «quelle couleur de coussin on choisit pour la salle commune?» à des décisions plus structurelles comme «comment se préparer aux variations de notre taux d’emprunt?».

Pour veiller au fonctionnement de la coopérative, anticiper les problématiques et requestionner les règles communes quand cela est nécessaire, le Groupe du 4 Mars s’organise en Groupes de Travail [GT].

Chaque GT est responsable du sujet dont il s’est saisi et un membre est identifié comme référent pour s’assurer de la tenue des réunions et de l’aboutissement des actions.

La configuration et l’activité des GT peuvent varier en fonction de l’actualité du moment, mais voici un aperçu général des domaines d’action, qui investissent une trentaine de sujets :

🌱 Mutualiser et être éco-responsables
• Gestion des espaces partagés
• Savoir-faire et services (achats groupés, coups de main, etc.)
• Moyens matériels (prêt de voiture, de matériel, etc.)

🌟 Vivre ensemble
• Intra-G4M coopérateur·ices (cohésion du groupe, festivités, outils de communication,…)
• Animation de l’immeuble: enfants
• Animation de l’immeuble: voisins
• Vie de quartier

🔄 Défendre et pérenniser
• Juridique
• Financier
• Syndic
• Maintenance
• Mémoire

🔀 Transmettre et essaimer
• Cercle 2 (groupe d’aspirant·es coopérateur·ices sollicité·es lors du départ d’un ménage)
• Promotion de l’habitat coopératif
• Partenaires

Chaque GT se réunit plus ou moins fréquemment suivant les besoins et met en œuvre les actions ou réflexions nécessaires. Il en rend compte lors des réunions plénières, qui réunissent l’ensemble des coopérateur·ices toutes les 6 semaines. La présentation aura la forme d’une information, d’un échange et/ou d’une décision. Dans ce dernier cas, nous disposons d’une méthode de prise de décision collective utilisée dès qu’un besoin de clarifier la décision se fait sentir.

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⚖️ DOSER L’IMPLICATION

Les habitant·es du Cairn sont au cœur du projet, la mixité sociale et générationnelle est forte et le collectif s’enrichit des singularités de chacun·e. Nous participons à hauteur de nos envies, savoir-faire et disponibilités du moment. C’est une démarche volontaire de participation à la vie collective de l’immeuble, dans un esprit de convivialité et d’entraide.

Espérer une même implication de tous·tes est tout à fait utopique : nous avons chacun·e notre rythme, nos obligations -familiales comme professionnelles- et nos ressources. Notre groupe est diversifié, la désynchronisation des emplois du temps est assez présente. La coopération n’est donc pas « tout le monde participe à tout » mais « chacun·e trouve la place qui lui convient », dans une logique de justesse plutôt que d’exacte égalité.

Pour un groupe dépassant 12 personnes, on observe généralement un ratio de 1 à 5 % de proactifs, 10 à 50 % de réactifs, 50 à 90 % de suiveurs[1]. Le Groupe du 4 Mars compte une vingtaine d’adultes et nous observons que les taux d‘implication sont proportionnellement plus importants, mais accepter la dimension mouvante et hétérogène de l’engagement reste un sujet récurrent et cyclique.

Le succès de l’investissement dans une coopérative, dans un GT, est vraiment lié à l’énergie, avec des hauts et des bas! Le groupe a la responsabilité d’équilibrer l’implication, de veiller à ce que les limites de chacun·e ne soient pas dépassées. De la même manière, lorsque un·e coopérateur·ice se met en retrait de manière durable, c’est un signal de vigilance, il est nécessaire de s’assurer qu’iel trouve toujours son compte dans la coopérative. Le GT “Vie du groupe” est ainsi un groupe dormant qui se réactive lorsque que des difficultés apparaissent.

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🏃‍♂️ MAINTENIR L’ÉLAN

Tout le monde trouve progressivement sa place au sein de l’organisation, mais il faut reconnaître que certaines tâches de longue haleine suscitent peu d’enthousiasme au sein du groupe :

la gestion prévisionnelle, le suivi de la comptabilité, les sujets en lien avec le syndic, le suivi technique d’un immeuble neuf dans sa garantie décennale,… Le poids des enjeux représente une responsabilité, une forme de prise de risque au nom du groupe et peut se révéler lourd à porter.

Nous avons identifié que les sujets dépendants d’acteurs extérieurs – syndic, assurance, comptabilité notamment – sont les plus susceptibles de générer des points de crispation pour nous car leur temporalité n’est pas maîtrisable : les tâches à réaliser sont assujetties à la réactivité de ces acteurs, aux délais légaux et impliquent souvent une disponibilité en journée durant les horaires de travail. Cela peut donc demander un investissement sur le long terme, ainsi que des pics d’activité très concentrés pour se conformer aux échéances.

Cette configuration soulève deux problématiques :
• une montée en compétences importante, voire une spécialisation, des coopérateur·ices impliqué·es sur du long terme et un écart qui se creuse ;
• la «centralisation» de l’historique du sujet.
Ce sont deux problématiques corrélées qui peuvent rendre difficile le transfert d’un sujet et le relai des coopérateur·ices lorsqu’iels souhaitent se détacher du sujet sur lequel iels contribuent.

Nous continuons d’expérimenter des solutions pour limiter ces risques. Parmi les pistes explorées :
• Chaque coopérateur·ice participe un temps au Groupe de Travail Comptabilité et au Comité de Gestion. Une manière d’apporter des forces vives et de se familiariser concrètement avec les singularités du modèle de la SAS coopérative.
• Les effectifs des groupes travaillant sur des sujets long terme ou en lien avec des acteurs extérieurs sont renforcés avec un minimum de 4 coopérateur·ices : le relai est plus aisé et l’absence d’un coopérateur·ice sur une réunion ou une période risque moins de concentrer les actions et la connaissance du sujet sur une seule personne.
• Un travail sur les enjeux de priorisation est enclenché : en dehors des tâches incontournables, nous fonctionnons beaucoup à l’envie, les coopérateur·ices s’emparant de projets qui les motivent. C’est à la fois une force et un point de vigilance pour limiter les excès.

Le temps consenti par les coopérateur·ices pour le fonctionnement de l’habitat peut parfois apparaître pesant car il est quantifiable, mais en contrepartie nous bénéficions d’un cadre de vie privilégié et d’un tissu d’amitié, de confiance et d’entraide incalculable. Ce sont les moments de convivialité qui nous permettent de nous “recharger” collectivement. Pour conclure, nous emprunterons donc à Mona Chollet une phrase très à propos : «Bien vivre ne consiste pas tant à s’épargner toute fatigue qu’à choisir pour quoi on veut se fatiguer» [2] .

💡Ressources inspirantes :

[1] Pour en savoir plus : https://interpole.xyz/?Les4ActivitesREPI
Ressources Animacoop et travaux de Jean-Michel Cornu sur l’implication

[2] Chez soi, une odyssée de l’espace domestique, Mona Chollet, Éditions La Découverte