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Vivre ensemble au sein d’un immeuble ne se décrète pas, mais peut être encouragé. Chaque projet d’habitat participatif est un prototype en ce sens : il n’existe pas un modèle unique mais des modèles, en réalité autant que d’habitats.

Le Groupe du 4 Mars est une coopérative d’habitant·es installée dans l’immeuble du Cairn à Lyon depuis presque 5 ans, après 10 ans de gestation. Nous vous proposons une incursion dans notre fonctionnement et nos réflexions. Cet article est le premier d’une série de six qui apporte un éclairage sur le développement de la coopérative et le vécu du groupe:  
  1. Un groupe qui évolue · Part. 1 : faire collectif dans la durée
  2. Un groupe qui évolue · Part. 2 : devenir coopérateur·ice
  3. Un lieu qui rassemble · Part. 1 : cohabiter plutôt que coexister
  4. Un lieu qui rassemble · Part. 2 : faire exister le «nous» avant le «je»
  5. Du temps investi au quotidien
  6. Des outils pour échanger, transmettre et archiver

ℹ️ Vous découvrez cet article sans connaître le Groupe du 4 Mars ?
Voici quelques éléments de compréhension : l’immeuble du Cairn se compose de 24 logements sociaux, 11 gérés par le bailleur social Alliade Habitat, 13 par notre coopérative d’habitant·es. Nous sommes donc 13 ménages avec chacun son propre appartement, nous partageons un socle de valeurs et des espaces mutualisés : salle commune pour accueillir les réunions comme les moments festifs, potager, buanderie, bureau et chambre d’ami·es.
Pour plus de détail nous vous invitons à explorer notre site web !

UN GROUPE QUI ÉVOLUE · Partie 1: Faire collectif dans la durée

⏱️ Temps de lecture : 6 minutes

Le mode de vie classique que la société présente comme « normal » consiste principalement à se replier chacun·e chez soi dans son logement individuel en démultipliant les équipements. Les modes de vie des habitats participatifs montrent avec bouillonnement qu’il est possible de faire autrement et de proposer des alternatives désirables.

🧭 EXPLORER DES MANIÈRES DE FAIRE AUTREMENT

Un habitat partagé est en premier lieu un groupe d’aspirant·es coopérateur·ices qui font projet commun autour de leur lieu d’habitation. Le projet est une page blanche à investir, avec l’envie de s’essayer à d’autres façons de faire, de s’extraire des schémas préétablis.

Un habitat partagé est en premier lieu un groupe d’aspirant·es coopérateur·ices qui font projet commun autour de leur lieu d’habitation. Le projet est une page blanche à investir, avec l’envie de s’essayer à d’autres façons de faire, de s’extraire des schémas préétablis.

À l’origine, le Groupe du 4 Mars a émergé d’un groupe d’ami·es, en réaction à la gentrification de leur quartier à Croix-Rousse, Lyon 4. Se tourner vers l’habitat coopératif et pouvoir définir son fonctionnement apportait une réponse économique, mais également écologique et sociétale :

➡️ Mutualiser pour limiter son impact environnemental

➡️ Mettre les ressources en commun pour avoir un espace plus digne, avec un extérieur même en milieu urbain ; disposer de son unité de vie privée et indépendante tout en partageant des équipements et des espaces de vie

➡️ Se détacher du modèle spéculatif

➡️ Cultiver la solidarité et la mixité, à l’échelle du groupe, de l’immeuble et de la ville

Le principal levier d’action des habitats partagés se devine en filigrane à travers ces intentions : faire collectif. Nous pourrions presque dire faire communauté, à condition de l’entendre dans son sens premier comme « un ensemble de personnes unies par des liens d’intérêts, des habitudes communes, des opinions communes » (et non pas au sens des expériences hippies ou contre-culturelles des années 70). Nous nous reconnaissons également dans l’image de la communauté donnée par C. Spina : « un maillon intermédiaire, une famille choisie, un lieu d’humanité ».

 

🫶 CRÉER UN ESPACE DE CONFIANCE

Choisir de vivre dans un habitat partagé revient à replacer la convivialité et les relations de confiance au centre de son quotidien. Le liant est le temps passé ensemble au fil de l’eau, avec des moments partagés signifiants, joyeux comme difficiles. Les règles d’usage, structurées durant les 10 ans de gestation et enrichies depuis notre entrée dans les murs, participent au cadre et accompagnent la vie courante.

Les interactions sont quotidiennes, les habitant·es s’autorisent donc plus facilement nombre d’échanges qui favorisent l’entraide et la solidarité de proximité. Au-delà de la mutualisation des espaces et équipements, chaque habitant·e peut profiter de la dynamique de groupe :
• temps de partage informels et conviviaux (récolte des légumes du potager avec cuisine et repas partagé, grand ménage collectif de l’immeuble deux fois par an, retransmission d’évènements sportifs, soirées jeux de société, soirées d’hiver au coin du poêle à bois, etc.)
• mutualisation à différentes échelles (achats groupés d’aliments avec prix plus avantageux, machines à laver semi-pro de la buanderie, activités partagées telles qu’un cours de pilates hebdomadaire dans la salle commune, etc.).
• services et coups de main à tous les niveaux (garde d’enfants, réception de colis, dépannage, prêts qui vont de la voiture à l’ingrédient manquant d’une recette en passant par les outils de bricolage…).
• soutien et présence, capacités d’adaptation du groupe que n’aurait pas forcément un ménage seul.

Nous apprenons ainsi à nous connaître, à comprendre nos limites respectives et à coopérer en bonne entente. Bref, à installer une connivence. Le collectif crée alors un espace de confiance et de robustesse [1] capable de perdurer et d’absorber les évolutions.

Il ouvre le champ aux manières de retisser des liens de solidarité, de réciprocité et d’amitié : le fonctionnement du groupe et le lieu sont pensés pour favoriser des relations amicales de voisinage où la sollicitude et le souci de l’autre peuvent se déployer et davantage se redistribuer [2].

💡 Inspirations à la croisée des chemins :

[1] Antidote au culte de la performance, la robustesse du vivant, Olivier Hamant, Éditions Gallimard
[2] Nos puissantes amitiés, Alice Raybaud, Éditions La Découverte /// L’amitié : un outil révolutionnaire largement sous-estimé, interview d’Alice Raybaud par Salomé Saqué, journaliste de Blast
Le sel de la vie, Françoise Héritier, Éditions Odile Jacob